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Ce pétrole qu'on entrepose en mer

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L’un des impacts les moins connus des faibles prix du pétrole : à travers le monde, depuis l’an dernier, plusieurs ports sont témoins de «bouchons» de pétroliers. Des navires qui font la queue, parce qu’on ne sait plus où entreposer tous ces surplus de pétrole.

Le mois dernier, le directeur de la recherche chez ClipperData, la firme qui suit à la trace le transport mondial de pétrole, employait l’expression «super bouchon de la circulation de pétroliers» en pointant du doigt le Golfe du Mexique: une cinquantaine de navires y étaient alors en attente, trois fois le nombre normal.

Sur son blogue, Matt Smith expliquait que cette «congestion maritime» s’était d’abord manifestée autour de Singapour au début de septembre :

C’était inquiétant, parce que le tiers de la demande de pétrole se trouve en Asie. C’était très étrange à observer. Ces navires n’avaient aucun acheteur.

Par la suite, ClipperData a noté de semblables congestions au large de la Chine, du Golfe arabique puis du Golfe du Mexique : 30 navires en attente, puis 40, puis 50.

Le phénomène s’est quelque peu résorbé depuis, mais l’offre reste de loin supérieure à la demande, avec pour résultat qu’il faut entreposer le pétrole plus loin des ports, à l’intérieur des terres, ce qui prend plus de temps —ou le garder longtemps en mer, ce qui en inquiète plusieurs.

En entrevue la semaine dernière au quotidien Le Temps, le courtier suisse en pétrole Marco Dunand estimait que le surplus mondial était actuellement de 350 millions de barils, loin «au-dessus de ce qui est normalement stocké».

La Chine en a absorbé une partie en augmentant son stock stratégique, les raffineries et les traders comme nous ont absorbé le reste. Ce qui implique d'acheter, de payer, de transporter, de financer, de mettre le pétrole en bac, d'organiser les opérations de protection contre les baisses de prix, puis d'attendre que le marché retourne à une situation de déficit global. Est-ce que ce sera en 2017 ou 2018 ? On n'en sait rien.

En termes clairs, le problème n’est pas que le pétrole ne se vend pas —au contraire, la planète est loin d’avoir réduit sa consommation de carburants fossiles. Mais des courtiers en profitent pour l’acheter au-dessus du prix actuel du marché —à présent de 30 dollars le baril, contre 100 dollars il y a deux ans— dans l’espoir que les prix remontent assez après 2017 pour en tirer un profit.

Pour 2016, les estimations varient entre un million et un million et demi de barils en trop chaque jour. La levée des sanctions contre l’Iran ce mois-ci pourrait ajouter 300 000 barils par jour jusqu’en mars, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Des millions de barils entreposés en mer

Les sites d’entreposage ne sont pas à la veille de déborder aux États-Unis, rassure le magazine Forbes, mais il n’en est pas de même ailleurs dans le monde, au point où «l’entreposage en mer», c’est-à-dire sur des navires, jadis trop coûteux, augmente en flèche. Il y aurait en ce moment plusieurs dizaines de millions de barils qui se baladent en permanence sur l'eau, attendant leur tour.

Selon une note publiée en début d’année par l’AIE, les capacités mondiales d’entreposage sur la terre ferme devraient augmenter dans la deuxième moitié de 2016, mais d’ici là, le prix du pétrole pourrait rester au plancher actuel —voire continuer de descendre.

Avec des prix aussi bas, la logique ne voudrait-elle pas que les compagnies pétrolières réduisent l’extraction de pétrole et écoulent leurs surplus? Les économistes —et les gouvernements— ne s’entendent pas là-dessus :

  • pour les uns, résume le Wall Street Journal, il serait en ce moment dans l’intérêt d’un pays producteur de pomper le plus possible de pétrole pour en tirer le maximum de revenus;
  • pour les autres, c’est aux pays non-membres de l’OPEP, comme la Russie, les États-Unis et le Canada, qu'il reviendrait de réduire leur production de pétrole afin que les prix recommencent à grimper; en fait, c’est déjà commencé: ces pays produiront moins de pétrole cette année qu’en 2015, qui était elle-même une année inférieure à 2014.

Chose certaine, on n’interrompt pas des projets de cette ampleur comme on coupe un robinet. Selon le Wall Street Journal, pour 2016, c’est déjà trop tard : «les investissements sont faits, les puits ont été forés». Dans la plupart des pays, toute réduction des dépenses décrétée à la fin de 2015 ne se fera sentir qu’en 2017.


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